Véritable jardin de curiosité - comme on parle de cabinet de curiosité -, le Désert de Retz fait partie de ce précieux patrimoine secret et insolite qu’abrite la Seine Aval. Le site, façonné au XVIIIème siècle par un aristocrate féru d’architecture et de botanique, a longtemps été laissé à l’abandon avant d’être peu à peu réhabilité à l’orée des années 2000. Il invite le promeneur à une déambulation poétique à la découverte de mystérieux et fantasques vestiges.
Marie-Antoinette, André Malraux, Colette, Jacques Prévert, François Mitterrand… l’impressionnante liste des personnalités tombées amoureuses du Désert de Retz est inversement proportionnelle à sa notoriété auprès du grand public. Il faut dire que le lieu, niché en bordure de la forêt de Marly, a toujours été nimbé d’une aura mystérieuse. Difficile avant d’y pénétrer d’imaginer ce que renferme cet immense domaine (près de 17 hectares) qui prend la forme d’un élégant parc arboré surplombé par une étonnante tour zébrée de fissures.
Cette curiosité architecturale baptisée la Colonne détruite fait partie des sept « fabriques » restantes (qualifiées aussi de « pavillons de fantaisie ») disséminées aux quatre coins du site, avec notamment la Tente tartare, l'Eglise gothique ruinée, le Petit Autel presque ruiné ou le Théâtre découvert. Des noms à la fois énigmatiques et évocateurs qui attisent la curiosité du visiteur, le plongeant dans un univers à la limite de l’ésotérisme.
A l’origine, le Désert de Retz est le projet fou de François Racine de Monville, un aristocrate épris d’art et de science qui fréquenta un temps la cour de Louis XV. Un héritage conséquent lui permit de se débarrasser des contingences financières pour s’adonner à son grand œuvre.
En 1774, il acquiert un vaste terrain à proximité du petit village de Saint-Jacques-de-Retz. C’est ici qu’il décide d’y établir son désert - le mot désignant ici un endroit retiré -, s’inscrivant dans la mode des jardins anglo-chinois qui germent alors un peu partout en Europe. Il dessine les plans de son jardin, ses allées, ses pelouses, ses bosquets mais aussi différents pavillons aux influences multiples (la Chine, l’Antiquité, l’Orient, la Franc-maçonnerie, les Lumières…). Plus qu’un simple patchwork de constructions ornementales, l’ensemble se veut un parcours philosophique qui pousse à réfléchir sur le rôle de l’homme et son ouverture au monde.
Jusqu’en 1792, date de sa revente à un Anglais, il n’aura de cesse de magnifier sa création, aménageant ici des serres, là une minuscule île, pour en faire un lieu réellement unique.
C’est un lieu unique qui fut longtemps laissé en déshérence avant d’être racheté par la ville de Chambourcy en 2007 dans le but de le restaurer et de l’ouvrir au public. Depuis lors, il est possible chaque samedi, d’avril à octobre, de le découvrir, guidé par les bénévoles de l’association « Désert de Retz, Jardin des Lumières ». On aime s’y perdre et tomber nez à nez avec une pyramide ou un temple dédié au Dieu Pan au détour d’un bois ou tout simplement apprécier la quiétude qui y règne. Mais on aime aussi le site pour ce que l’on n’y voit pas ou ce que l’on aurait pu y voir - toutes ces fabriques en ruine ou disparues avec le temps qui nous poussent à faire fonctionner notre imagination. Un voyage hautement conseillé donc, aux confins de l’art, de l’histoire et de la poésie !