RENCONTRE

Didier Welle

Texte : Guillaume Le Roux ©
Photos : Pipa Sol © Hervé Poli ©

Didier Welle et l’art de la marionnette...

Avec la Compagnie Pipa Sol, Didier Welle est un acteur culturel attaché à la liberté de créer et reconnu dans son domaine à l’échelle nationale. Chaque année, il tourne dans une quarantaine de lieux dans toute la France.
Il a fait découvrir le théâtre de marionnettes sur le territoire.

Voko : Quel est ton lien avec le territoire ?
Didier Welle :
Je suis né à Conflans en 1967. Issu d’une famille de bateliers depuis plusieurs générations et jusqu’à mes 12 ans, j’ai connu un mode de vie nomade sur les bateaux. Je suis profondément attaché à l’identité populaire du territoire impulsée par l’importante communauté de mariniers encore présente aujourd’hui et marquée par l’activité industrielle. En tant que fils de marinier, je trouve ce territoire cohérent grâce au fleuve, propice aux échanges.
C’est donc tout naturellement que j’ai décidé en 1996 d’implanter la Compagnie Pipa Sol à Andrésy où je résidais.

V : Comment en es-tu arrivé à la marionnette ?
D :
Je suis arrivé sur le tard, à l’âge de 25 ans, dans le domaine artistique à la suite de ma rencontre avec Christine, ma compagne, qui était marionnettiste. C’est elle qui est d’ailleurs à l’initiative de la création de la Compagnie Pipa Sol.

Je me suis servi de mon expérience professionnelle d’ajusteur mécanique et de dessinateur industriel pour devenir marionnettiste. J’ai toujours eu la curiosité d’apprendre et je me suis longuement formé auprès de professionnels pour devenir régisseur.
J’ai également suivi de nombreux stages de théâtre de masque, de clown et de marionnettes.

V : La marionnette permet de transmettre des émotions de la même manière que le théâtre ?
D :
C’est un art théâtral à part entière qui existe depuis l’Antiquité. Il cherche à émouvoir le spectateur.
La marionnette donne une liberté de mouvement et de création que ne peut pas avoir un comédien (elle peut voler par exemple). En ce sens, elle le dépasse même.
Bien que les marionnettes ne soient que des objets, un bon marionnettiste, après avoir acquis une parfaite maîtrise dans l’interprétation dramatique combinée à la pratique de la manipulation, peut éveiller la curiosité du spectateur au même titre qu’une pièce de théâtre.

Nous maîtrisons particulièrement le théâtre noir, ou encore le bunraku...

V : Qu’est-ce qu’un bon marionnettiste selon toi ?
D :
Tout d’abord, il est important de fabriquer les objets que l’on anime. Il faut fabriquer sa propre marionnette, qui est en quelque sorte un prolongement de son propre corps. C’est pourquoi je n’utilise pas la technique du fil qui crée une distance avec l’objet. Ensuite, il est nécessaire de bien maîtriser les techniques de manipulation afin d’insuffler la vie à l’objet. Pour nos spectacles, nous avons choisi de ne pas nous spécialiser dans une technique spécifique mais d’en utiliser différentes en fonction de l’histoire racontée.

Nous maîtrisons particulièrement le théâtre noir, technique apparentée aux magiciens, ou encore le bunraku, une technique japonaise d’animation d’une marionnette à trois manipulateurs. Toutes ces techniques nécessitentdes années de formation. Nous avons également fait le choix d’intégrer des technicités contemporaines comme la vidéo, le film d’animation et plus généralement les arts numériques, qui ancrent l’art marionnettique dans le XXIe siècle.

V : Où trouves-tu l’inspiration pour tes spectacles ?
D :
La première source d’inspiration est le territoire. Avec le spectacle Valise d’enfants, nous avons par exemple souhaité évoquer l’histoire des enfants juifs à Andrésy.
Nous parlons aussi de l’histoire des bateliers avec le spectacle Les enfants d’abord. Pour nous, le devoir de mémoire est important. Nous puisons également dans des sujets d’actualité afin d’interroger le spectateur sur notre société, sur ce qui conditionne nos modes de vie, car nous nous adressons aussi au public adulte.

V : Tu es investi dans le festival Marionnettes en Seine. Peux-tu nous en dire deux mots ?
D :
Il s’agit d’un temps fort créé au début des années 2000, à l’initiative de Bruno Couvreur, l’ancien directeur de l’espace culturel Le Colombier à Magnanville.
L’objectif était de programmer des spectacles de marionnettes dans différentes salles du Mantois. Une grille tarifaire commune a été mise en place et les coûts de diffusion des spectacles ont été mutualisés.
La Compagnie Pipa Sol est ensuite devenue pilote de la manifestation qu’elle a étendue sur toute la vallée de la Seine avec pour objectif de co-construire, avec les programmateurs de salles de ce territoire, un événement qui œuvre à la diffusion et au développement de l’art de la marionnette.
L’édition 2019 vient de s’achever avec pas moins de 37 représentations dans 11 lieux de diffusion entre Conflans et Rosny-sur Seine !

V : Tu as également créé le centre yvelinois des arts de la marionnette (CYAM).
D :
Depuis 2009, la compagnie administre le CYAM qui accueille et accompagne des résidences d’artistes marionnettistes français et étrangers (Italiens, Costariciens, ...). Nous avons souhaité créer un lieu de référence, à la fois lieu ressource, de partage et de création. Un atelier permet aux résidents de fabriquer leurs marionnettes. Un plateau est également à leur disposition pour créer la régie son et lumière de leur spectacle. Il y a une volonté de restituer les spectacles créés puis de les diffuser sur le territoire. Au fil des années, c’est devenu un lieu d’expertise et de recherche pour le théâtre de marionnettes et les arts associés.

V : Tu essaies aussi de faire connaître l’art de la marionnette au plus grand nombre ?
D :
Je souhaite aller à la rencontre du public dans son lieu de vie, et jouer autant en milieu rural qu’en milieu urbain.

Nous pouvons jouer n’importe où grâce à un dispositif scénique modulable. Avec nos spectacles, nous espérons que le public affute son regard sur la marionnette, au-delà de Guignol. Aujourd’hui, l’art de la marionnette s’est professionnalisé. Il y a beaucoup plus de spectacles qu’auparavant et des scènes nationales comme le Théâtre de Sartrouville sont devenues des lieux reconnus de diffusion de ce type de spectacle. La compagnie propose aussi des ateliers de sensibilisation, des stages de fabrication et de manipulation qui permettent au grand public de découvrir différentes techniques, des conférences ou encore des expositions.

V :Quels sont tes projets pour les années à venir ?
D :
J’effectue un gros travail de recherche autour de capteurs numériques et du mapping. Je souhaiterais également intégrer une caméra dans l’œil d’une marionnette afin de montrer ce qu’elle voit. Toute cette réflexion nourrit un projet de spectacle sur l’œuvre d’Orwell 1984 que je trouve de plus en plus d’actualité...

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facebook/Pipasol78

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